Anaïs DUBOIS
J'ai longtemps cru avoir été un garçon manqué.
Je n'ai pas été élevée de manière genrée.
Rassurez-vous, si besoin est, je savais bien que j'étais une fille.
J'ai grandi dans un milieu à la marge.
Mon père est connecté à ses émotions et aime cuisiner.
Ma mère a retapé toutes ses maisons.
Je bénéficiais d'une liberté d'être et de faire incroyable.
J'ai passé mon enfance à grimper dans les arbres, parfois en robe de princesse, sans que personne ne me dise que je risquais de l'abîmer ou de la salir.
("À quoi ça sert d'avoir des vêtements, si on ne peut rien faire dedans !")
J'ai joué aux barbie mais aussi aux playmobil.
J'étais bonne en math et en dictée.
Je jouais à l'élastique avec mes copines et aux billes avec mes copains.
Je me suis battue plus d'une fois lorsque la colère ou l'injustice étaient trop fortes ou que je me sentais menacée.
Mais à aucun moment, je ne me disais que "c'était un truc de garçon".
Mes droits méritaient autant que ceux des garçons à être défendus.
J'avais autant le droit de me défendre (même si, on est bien d'accord, ce n'est pas la meilleure manière) que mes copains.
Dans ma scolarité, jamais je ne me suis sentie menacée de devoir faire des choix qui n'étaient pas les miens et qui auraient été dictés par mon genre.
D'ailleurs en 2nde, mon prof de maths m'a encouragée à aller vers un cursus scientifique.
J'ai toujours aimé les maths, mais moins que les langues, donc je suis allée en littéraire,
option math, ahahah !!!
Le monde m'appartenait.
Le champs des possibles était vaste et motivé uniquement par mes goûts et mes envies.
Je n'ai été confrontée au décalage de genre qu'une fois à l'âge adulte.
À ce moment-là, je me suis bien rendue compte que je ne correspondais pas du tout au stéréotype du genre féminin.
À la fac, Je n'avais pas de sac à main.
Je ne portais pas non plus de talons.
Je ne me maquillais pas.
Et en plus, je n'aime pas le rose.
What ???
Oui, oui, je n'aime pas cette couleur, chacun ses goûts..
Je n'ai jamais eu la langue dans ma poche.
J'ai toujours un avis sur tout, ou presque, et je le signifie sans problème.
Mais adulte j'ai donc découvert que toute mon enfance, j'avais été "un garçon manqué".
Parce que non, clairement, je ne collais pas au stéréotype de la fille gentille, mignonne, polie, qui ne fait pas de vagues et reste propre sur elle en toutes circonstances
"parce que c'est comme ça que les filles doivent être" (blablabla...)
Et donc, je me suis dis ça pendant des années "petite, j'étais un garçon manqué".
Mais maintenant que cette question de l'éducation non genrée m'intéresse, je sais bien que cette expression complètement sexiste n'a aucun sens.
Et là où avant je pouvais juger cette enfant qui n'était pas dans les clous par rapport à ce que la société attendait d'elle, j'y vois le potentiel incroyable de liberté que j'avais.
J'y vois une enfant qui a pu se révéler pleinement, avec ce que sa personnalité a d'unique, sans se préoccuper de ce qu'elle était "en droit" d'aimer, de faire, d'acquérir comme compétences et de développer comme traits de caractère parce qu'elle était née fille.
Je suis hyper fière de cette petite fille badass qui n'écoutait que son coeur et son être profond pour décider de son parcours de vie et s'épanouir.